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Route solaire : Ségolène Royal a tout faux

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La ministre de l’Environnement, Ségolène Royal, inaugure ce jeudi 22 décembre un kilomètre de « route solaire », un projet expérimental intégrant des panneaux solaires. Les experts internationaux interrogés par l’auteur de cette tribune jugent ce projet non viable économiquement, voire préjudiciable à la filière solaire.

La construction d’une route solaire de 340 kW (kilowatts) vient de se terminer, à Tourouvre-au-Perche, dans l’Orne, en Normandie. Une route d’un kilomètre de long et d’une surface de 2.800 mètres carrés, selon Michel Salion, de l’équipe presse de Colas-Wattway, une filiale du groupe Bouygues, porteur du projet de Wattway. Ségolène Royal, la ministre de l’Environnement, se rend ce jeudi 22 décembre sur place pour inaugurer ce kilomètre expérimental. Cela fera la troisième fois en moins d’un semestre que Ségolène Royal se déplace à Tourouvre. Elle y était venue le 26 juillet 2016 pour inaugurer le revêtement routier photovoltaïque, puis le 24 octobre 2016 pour inaugurer le début des travaux.

Alors que le site officiel du ministère de l’Environnement faisait la promotion de cette route en annonçant une production de 17.963 kWh (kilowatt-heure) par jour, la production quotidienne sera en fait de 767 kWh. Ségolène Royal a en outre annoncé qu’un kilomètre de route permettra de répondre à la demande électrique de 5.000 maisons. C’est également erroné. Avec 767 kWh par jour — donnée officielle provenant de Michel Salion —, elle sera juste capable d’alimenter 50 maisons. Le coût d’un kilomètre est de 5 millions d’euros, ce qui correspond donc à 100.000 euros par maison alimentée par la route.

la construction du tronçon expérimental de route solaire à Tourouvre (Orne), début décembre 2016.

« Les routes solaires en France sont bien moins efficientes et plus coûteuses que le solaire PV [photovoltaïque] en toiture, les ombrières PV de parkings et les centrales solaires au sol », a commenté Mark Jacobson, directeur du programme énergie et atmosphère à l’université Stanford et fondateur de The Solution Project.

« La route est le pire endroit pour les panneaux solaires »

Pour Jenny Chase, directrice des analyses solaires au sein de Bloomberg New Energy Finance (Bnef), « les routes solaires semblent être un moyen de subventionner les entreprises françaises, pas un moyen de produire de l’électricité ». Chase a réfuté catégoriquement l’idée de routes solaires surgissant sur quatre continents, ceci en twittant en réponse à un article de Bloomberg courant novembre 2016. De son côté, Michael Liebreich, fondateur de Bnef, a offert un titre alternatif, quelque peu satirique : « Une entreprise française obtient une subvention pour construire une route solaire avec un “payback” [retour sur investissement] de 170 ans. » Liebreich ajoute que la route solaire française est « une expérimentation financée par l’État avec zéro chance de devenir commercialement viable » et le « payback de 170 ans est calculé avec 0 % de finance, sans maintenance et des panneaux solaires capables de durer 170 ans ».

« Donc, ces panneaux qui actuellement coûtent 21 euros par watt auront une performance significativement dégradée et une durée de vie plus courte que les panneaux classiques à 1 €/W. Mais c’est OK, parce que… ils sont produits en France ? » a poursuivi Chase.

Colas, l’entreprise qui construit la route, a annoncé il y a un an que la route solaire coûterait 6 euros par watt. Mais c’était seulement pour les modules, sans le BoS (Balance of system) et les onduleurs. « La route solaire est un non-sens technique et économique, ajoute l’analyste solaire Pietro Radoia, contacté par téléphone. La route est le pire endroit pour les panneaux solaires. La France peut installer du PV sur les toits. Colas est dans une situation monopolistique, sans compétition pour que les prix baissent. »

Chase a aussi indiqué que, y compris pour les pistes cyclables et les parkings, la « Wattway » resterait beaucoup trop coûteuse. « Même si vous veniez à manquer d’espace, vous mettriez les panneaux au-dessus des routes, et pas sur les routes », a continué Liebreich. Cette réflexion fait écho de celle d’Éric Vidalenc, de l’Ademe, qui estime que « du solaire au-dessus des pistes cyclables protègerait les cyclistes de la pluie ».

« C’est un gag de relation publique »

L’installation de la route elle-même ne s’est pas faite sans défi inattendu. En particulier celui de la pluie, étant donné que la colle utilisée supporte mal l’eau, ce qui est problématique en Normandie, région pluvieuse. 48 tentes de cirque ont été érigées pour protéger le site de construction des précipitations normandes, mais elles ont une efficacité limitée par grand vent.

En dépit de l’ensemble de ces défis et des inquiétudes concernant la viabilité économique, Ségolène Royal a annoncé le lancement de 1.000 kilomètres de routes solaires. « La capacité de certains politiques à promouvoir des miroirs aux alouettes énergétiques est sidérante », a déclaré Thierry Salomon, le porte-parole de négaWatt.


Des barnums ont été érigés pour protéger le chantier des intempéries.

« C’est un gag de relation publique », a résumé Philip Hiersemenzel, un conseiller allemand en « cleantech » [technologies propres]. Tandis que le président du Conseil français de l’énergie a demandé si les contribuables avaient été correctement informés concernant le coût du projet.

Le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) est le partenaire scientifique de Wattway. Cependant, Liebreich estime que « les énergies renouvelables ne sont plus des énergies alternatives ». Il souligne que le projet de route solaire pourrait donner aux vraies innovations dans les « cleantech » l’apparence de la non-viabilité et de l’excentricité.

Mais c’est probablement l’ingénieur australien Dave Jones qui offre la meilleure synthèse. Il compare le projet de route solaire à vouloir tester des éoliennes sur une planète sans atmosphère ou des panneaux solaires sous-marins entre la France et la Grande-Bretagne.

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Mis à jour le dimanche 24 mars 2024