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Pour la prise de pouvoir par le peuple : Dix propositions afin de ne pas reproduire la capitulation que nous avons connue en Grèce

CADTM : 28 décembre par Eric Toussaint

Pour éviter de reproduire la capitulation que nous avons connue en Grèce en 2015, je fais dix propositions sur la prise de pouvoir par le peuple |1|.

La première proposition est la nécessité, pour un gouvernement de gauche, de désobéir, de manière très claire et annoncée au préalable, à la Commission européenne. Le parti qui prétend, ou la coalition de partis qui prétendent gouverner et, bien sûr, je pense par exemple à l’Espagne, devront refuser d’obéir, dès le début, aux exigences d’austérité, et s’engager à refuser l’équilibre budgétaire. Il faudra dire : « Nous ne respecterons pas l’obligation décrétée par les traités européens de respecter l’équilibre budgétaire » parce que nous voulons augmenter les dépenses publiques pour lutter contre les mesures anti-sociales et d’austérité, et pour entreprendre la transition écologique. Par conséquent, le premier point est de s’engager d’une manière claire et déterminée à désobéir. Selon moi, après la capitulation grecque, il est essentiel d’abandonner l’illusion d’obtenir de la Commission européenne et des autres gouvernements européens qu’ils respectent la volonté populaire. Conserver cette illusion nous conduirait au désastre. Nous devons désobéir.

Deuxième point : S’engager à appeler à la mobilisation populaire. Tant au niveau de chaque pays qu’au niveau européen. Cela aussi a échoué l’année dernière en Grèce. Il est évident que les mouvements sociaux européens ne furent pas à la hauteur en termes de manifestations, qui certes eurent lieu, mais ne montrèrent pas un niveau suffisant de solidarité avec le peuple grec. Mais il est vrai aussi que l’orientation stratégique de Syriza ne prévoyait pas de faire appel à la mobilisation populaire au niveau européen, ni même de faire appel à la mobilisation populaire en Grèce. Et quand ils ont appelé à la mobilisation par le référendum du 5 Juillet 2015, ce fut pour ensuite ne pas respecter la volonté populaire de 61,5% des Grecs, qui refusèrent d’obéir aux exigences des créanciers.

Troisième point : S’engager à organiser un audit de la dette avec la participation des citoyens. Je dirais que cet audit devra être simultané à la suspension des remboursements de la dette. Les situations dans 28 pays de l’Union européenne sont différentes. Il y a des pays européens où la suspension des remboursements est une mesure de nécessité absolue et prioritaire, comme dans le cas de la Grèce, et comme serait le cas du Portugal et de Chypre. En Espagne, il faudrait voir. Dans d’autres pays, il est possible de réaliser d’abord l’audit et ensuite décider de la suspension des remboursements. Ces mesures doivent être mises en œuvre en tenant compte de la situation spécifique de chaque pays.

Quatrième mesure. Mettre en place des contrôles des mouvements de capitaux. Et tenir compte de ce que cela signifie. C’est à dire aller à l’encontre de l’idée selon laquelle il serait interdit aux citoyens de transférer quelques centaines d’euros à l’étranger. Il est évident que les transactions financières internationales seront autorisées jusqu’à un certain montant. Par contre, il s’agit de mettre en place un contrôle strict sur les mouvements de capitaux au-dessus d’un certain montant des transferts.

Cinquième mesure : Socialiser le secteur financier et le secteur de l’énergie. Selon moi, socialiser le secteur financier ne consiste pas seulement à développer un pôle bancaire public. Il s’agit de décréter un monopole public sur le secteur financier, à savoir les banques et les sociétés d’assurance. Une socialisation du secteur financier sous contrôle citoyen. C’est-à-dire transformer le secteur financier en service public |2|. Dans le cadre de la transition écologique, bien sûr, la socialisation du secteur de l’énergie est également une mesure prioritaire. Il ne peut y avoir de transition écologique sans monopole public sur le secteur de l’énergie, tant au niveau de la production que de la distribution.

Proposition numéro six : Création d’une monnaie complémentaire, non convertible. Que ce soit dans le cas d’une sortie de l’euro ou d’un maintien dans la zone euro, de toute façon, il est nécessaire de créer une monnaie complémentaire non convertible. Autrement dit, une monnaie qui sert, en circuit court, aux échanges à l’intérieur du pays. Par exemple, pour le paiement de l’augmentation des retraites, des augmentations de salaire aux fonctionnaires, pour le paiement des impôts, pour le paiement des services publics … Utiliser une monnaie complémentaire permet de se détacher et de sortir partiellement de la dictature de l’euro et de la Banque Centrale Européenne. Bien sûr, on ne peut pas éviter le débat sur la zone euro. Je pense que dans plusieurs pays, la sortie de la zone euro est également une option qui doit être défendue en tant que partis et syndicats de classe. Plusieurs pays de la zone euro ne pourront pas réellement rompre avec l’austérité et lancer une transition écosocialiste sans quitter la zone euro. Dans le cas d’une sortie de la zone euro, selon moi, il faudra faire une réforme monétaire redistributive. Qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie décréter, par exemple, que jusqu’à 200.000 euros liquides, le taux de change serait de 1 euro pour 100 pesetas. Mais au-dessus de 200.000 (ou peut-être au-dessus de 100.000), le taux de change serait de 1.5 euros pour obtenir 100 pesetas. A un niveau encore supérieur, il serait de 2 euros. Au-delà de 500.000, il faudrait donner 10 euros pour obtenir 100 pesetas. Ceci consiste en une réforme monétaire redistributive. Cela diminue le liquide en circulation et redistribue la richesse liquide des ménages. Et bien sûr, cela élimine une partie des actifs liquides des 1% les plus riches. Sachant que, je ne connais pas exactement ce que les données du Pays basque et de l’Espagne, mais près de la moitié de la population n’a même pas d’épargne. 30% de la population, les moins riches, ont des dettes, pas d’actifs liquides. Ils ont éventuellement du patrimoine en termes de logement (hypothéqué ou non), mais cette proportion de la population n’a pas de capital.

La septième mesure : Bien sûr, une réforme radicale de la fiscalité. Supprimer la TVA sur les biens et les services de consommation de base, comme la nourriture, l’électricité et l’eau, et d’autres bien de première nécessité. Par contre, une augmentation de la TVA sur les biens et les produits de luxe, etc. Nous avons aussi besoin d’une augmentation des impôts sur les bénéfices des entreprises privées et des revenus au-dessus d’un certain niveau. Autrement dit, un impôt progressif sur les revenus et sur le patrimoine.

Huitième mesure : Déprivatisations. « Racheter » les entreprises privatisées pour un euro symbolique. Ainsi, de ce point de vue, utiliser l’euro pourrait s’avérer très sympathique, en payant un euro symbolique à ceux qui ont profité des privatisations. Et renforcer et étendre les services publics sous contrôle citoyen.

Neuvième mesure : Réduire le temps de travail avec maintien des salaires. Abroger les lois anti-sociales et adopter des lois pour remédier à la situation de la dette hypothécaire. Cela pourrait très bien se résoudre par la loi, en évitant des procès (car il y a de nombreux procès sur la dette hypothécaire où les ménages sont confrontés aux banques). Un Parlement peut décréter par une loi l’annulation des dettes hypothécaires inférieures à 150.000 euros, par exemple. Cela permettrait d’éviter d’aller en justice.

Dixième mesure : Entamer un véritable processus constituant. Il ne s’agit pas de changements constitutionnels dans le cadre des institutions parlementaires actuelles. Il s’agirait de dissoudre le parlement et de convoquer l’élection au suffrage direct d’une Assemblée constituante. Bien sûr, il faudra tenir compte des questions de nationalités, etc. mais il s’agit d’ouvrir un véritable processus constituant, que ce soit aux niveaux des nationalités ou au niveau de l’État en tant que tel. Et de rechercher à insérer ce processus dans d’autres processus constituants au niveau européen.

Ce sont pour moi dix propositions de base à soumettre au débat. Mais je mets ces mesures à un niveau élevé de priorité. Parce que je crois que, sans mesures radicales annoncées depuis le début, il n’y aura pas de rupture avec des politiques d’austérité. Il n’y a pas de marge de manœuvre pour rompre avec les politiques d’austérité sans prendre des mesures radicales contre le grand capital. Ceux qui pensent qu’ils peuvent éviter cela, ce sont des « enfumeurs » qui ne pourront pas obtenir de réelles avancées concrètes. Le niveau européen, l’architecture européenne est telle, et la crise du capitalisme est tellement étendue qu’il n’y a pas de réel espace pour des politiques productivistes néo-keynésiennes. Selon moi, l’écosocialisme ne doit pas être à la marge mais au cœur du débat, d’où doit venir les propositions immédiates et concrètes. Il faut mener à bien la lutte contre l’austérité et se lancer sur le chemin et la transition de éco-socialiste est une nécessité absolue et immédiate.

Traduit par Trommons
Notes

|1| Ce texte correspond à la conférence que Eric Toussaint a donnée à Bilbao le 25 Septembre 2016 lors de la troisième réunion écosocialiste internationale http://alterecosoc.org/?lang=fr

|2| Pour une explication à propos de la socialisation des banques, voir Que faire des banques ? Version 2.0, http://www.cadtm.org/Que-faire-des-banques-Version-2-0

P.-S.

La gauche radicale a peur de son ombre, par Eric Toussaint- Vidéo


http://www.anti-k.org/2016/12/24/europe-la-gauche-radicale-ne-doit-pas-avoir-peur-de-son-ombre-video/
LR : La conférence internationale intitulée « France et Europe après Brexit » s’est déroulée à Paris les 2 et 3 décembre 2016 à l’initiative du réseau EReNSEP avec une forte présence pour la France du PG et d’Ensemble ! sans la participation du NPA ce qui pose question. L’intervention d’Eric Toussaint centrée sur le programme électoral, pour la gauche radicale afin de gagner les élections, l’appel au mouvement populaire lui succédant, puis mise en avant d’un processus constituant conclu par le suffrage universel mérite des éclaircissements… Ses propositions politiques institutionnelles, tranchent quand même avec la modestie de celles de jlm2017 enrobées dans un verbe haut – nous les décryptons soigneusement sur anti-K – font plaisir à entendre.
Mais si un vaste mouvement populaire est nécessaire pour réaliser un tel programme, pourquoi ne pas commencer par le construire consciemment maintenant sans se conformer au calendrier électoral ; « le mouvement réel qui abolit l’état actuel des choses » disait Marx et ouvrir des pistes pour commencer à se mettre à l’ouvrage, car il faut rompre avec l’idée qu’il pourrait tomber du ciel, naître de la magie du verbe ou le produit d’une réforme constitutionnelle. La dialectique entre programme, organisationS et séquence électorale est au cœur des préoccupations des révolutionnaires qui ne croient ni au « grand soir social » ni au grand soir électoral.
Par ailleurs, cela ne peut se faire sans tirer le bilan des errements passés et en particulier des atermoiements vis à vis de la nouvelle droite « social-démocrate ». La construction d’un bloc d’opposition de gauche contre elle a été refusé, quand l’affirmation sans ambiguïté de cette opposition était déterminante pour présenter une alternative crédible. Ce positionnement clair a été dramatiquement abandonné partout en Europe à l’extrême droite avec des conséquences désastreuses. En France, l’illusion portée par le FDG, qu’il était possible de « pousser le curseur » (jlm2017) du gouvernement Hollande vers la gauche a placé touTEs celles et ceux qui tablaient sur sa « dynamique » dans une impasse. Cette stratégie erronée se paie fort cher : Explosion du FDG et poussée du FN !
Nous aurions aussi aimé entendre un appel à « l’unité », face à l’éparpillement des forces des gauches radicales, et les moyens de sa réalisation. Cette unité ne pourra se construire qu’au travers de la multiplication de collectifs de luttes autonomes, rassemblant largement touTEs celles et ceux qui confrontéEs à la domination du capital n’ont plus d’avenir et désespèrent, salariés, chômeurs, précaires, alternatifs, paysans, artisans, petits commerçants, indépendants, chercheurs, artistes, etc. C’est dans ce creuset que se dessineront les bases de ce mouvement populaire, quand ces collectifs seront dans l’action – car l’action précède la conscience – dans chaque quartier, dans chaque cage d’escalier et dans chaque village, ils prendront d’abord en main les problèmes concrets auxquels le peuple, sans se soumettre aux combinaisons à vocation exclusivement électoralistes, quel qu’en soient les modèles les plus innovants. C’est ce « mouvement » qui permettra le dépassement de toutes les divisions imposées aux classes populaires par le capitalisme et l’impérialisme qui offrent des espaces à l’extrême droite. La reconnaissance et la fusion avec les formes concrètes d’alternatives à caractères anti-capitalistes, qui foisonnent aujourd’hui, en dehors de tout processus électoral et donc, en dehors des structures politiques classiques est un enjeu tout aussi déterminant, car l’action politique se développe aussi en dehors du champ de la politique institutionnel et en dehors des campagnes électorales. Ce fourmillement pose des problèmes d’orientations stratégiques nouvelles et ringardise définitivement toutes ces « organisations », dans lesquelles, à la fin c’est le chef qui décide. On ne leur fera pas le coup du « sauveur suprême ». On commence quand, comment ? L’histoire nous mord la nuque disait déjà Daniel Bensaïd…

22 décembre par Eric Toussaint24,

En douze minutes, Eric Toussaint donne son point de vue sur ce que la gauche radicale devrait adopter comme orientation face à l’Union européenne suite à l’expérience de la capitulation de Syriza en 2015 en Grèce. Il explique quelles mesures prioritaires un gouvernement de gauche devrait prendre.

Cette intervention a été réalisée lors de la conférence internationale intitulée « France et Europe après Brexit » réalisée à Paris les 2 et 3 décembre 2016 à l’initiative du réseau EReNSEP (voir le programme complet).

Parmi les autres conférenciers qui ont participé à cette rencontre internationale : Josep Maria Antentas (Podemos, Catalogne), Jeanne Chevalier (Parti de gauche, France), Alexis Cukier (Ensemble !, France), Fabio De Masi (eurodéputé, Die Linke, Alemagne), Stefano Fassina (député, ex-vice ministre des finances, Sinistra Italiana, Italie), Heiner Flassbeck (Allemagne), Costas Lapavitsas (ex-député Syriza, Grèce), Patrick Saurin (Sud BPCE, CADTM, France), Miguel Urbán (eurodéputé, Podemos).

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Mis à jour le samedi 13 avril 2024