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Grève de la faim : « Israël veut par tous les moyens casser cette résistance »

Entretien. Nous avons rencontré Walid Attalah, représentant de l’Association des Palestiniens en France (APF) pour parler de la grève de la faim des prisonniers palestiniens démarrée il y a un mois.

Où en est la grève de la faim ? Les médias israéliens annoncent des arrêts partiels du mouvement : info ou intox ?

Au départ du mouvement le 17 avril, il y avait 1 500 prisonniers qui ont commencé la grève de la faim. Aujourd’hui ils et elles sont 1 800. Officiellement, il y a plusieurs organisations palestiniennes dont le Hamas, le Djihad islamique, le Front démocratique (FDLP), le Front populaire (FPLP), qui ont rejoint le mouvement. Initialement la grève a été lancée globalement par le Fatha suivi par des prisonniers à titre individuel. Ceux-ci étaient membres d’autres organisations, mais ils sont rentrés dans le mouvement. Cette grève a été préparée pendant plusieurs mois, a été discutée, s’est mise en place patiemment, parce qu’ils connaissent les pratiques des geôliers et de l’administration pénitentiaire, donc ils ont tout préparé avant de commencer.

La répression des grévistes de la faim semble assez dure de la part des autorités sionistes...

La répression va crescendo. Elle se manifeste d’abord par la mise à l’isolement des « meneurs » et surtout des responsables politiques, parce qu’il y a une direction du mouvement qui a été dispersée pour qu’il n’y ait aucune prise de décision. Donc, mise au mitard, fouille des cellules, on les met à poil, on fait rentrer des chiens, des membres des forces spéciales viennent dans les cellules, font usage de matraques et de gaz lacrymogènes...Ils sont privés de visites de leurs familles, de leurs avocats – pour ceux qui en ont un –, on leur a aussi retiré le sel parce que les grévistes de la faim buvaient de l’eau salée pour garder des minéraux essentiels à l’organisme... Certains dorment à même le sol, privés de tout vêtement. Pour tenter de casser le mouvement, Pizza Hut Israël a même sorti un montage publicitaire odieux ciblant Marwan Barghouti...

Une délégation dont tu faisais partie vient de sortir du siège français du CICR (Comité international de la Croix rouge) pour expliquer ce que tu viens de nous décrire. Quelle a été leur attitude et que comptent-ils faire ?

Nous avons porté les revendications des prisonniers palestiniens au CICR : la fin de la détention administrative, la fin des tortures, la libération des enfants détenus, la situation des femmes, le droit aux soins, à l’éducation, le rétablissement des visites des familles. Bien sûr, ils sont au courant ! On leur a rappelé que leur mission était de protéger les populations sous occupation, de leur trouver un système de protection. On leur a rappelé que depuis 1967, dans les territoires occupés par Israël, 800 000 personnes ont été détenues. On leur a demandé quelles avaient été leurs « réussites » depuis 50 ans.

Tout ce qu’ils nous ont dit, c’est qu’ils ont le droit de visite dans les prisons, qu’ils ont aidé certaines familles à obtenir un droit de visite. Nous leur avons demandé de s’exprimer sur ce qu’ils ont constaté dans les prisons, puisqu’ils sont la seule organisation internationale à pouvoir le faire. La réponse est que leur règle d’or était la confidentialité, et qu’il était hors de question de communiquer quoi que ce soit sur ce qu’il se passe dans les prisons israéliennes... car sinon on leur retirerait leur droit de visite (sic !).

Actuellement, on assiste à de multiples transferts de prisonniers, du sud d’Israël vers le nord, du nord vers le sud... Certains prisonniers ont été regroupés et envoyés dans une prison qui se trouve dans le désert du Naqab, dans des conditions carcérales encore plus dures.

Comment réagit la société palestinienne, aussi bien à Gaza qu’en Cisjordanie, par rapport à cette grève de la faim ?

Il y a beaucoup de soutien de la population qui se manifeste par des jeûnes de solidarité. Il y a aussi des marches, des rassemblements. Les anciens prisonniers sont particulièrement actifs, ainsi que les familles. Il y a quelques jours à Naplouse, des enfants se sont regroupés et ont marché avec des portraits de leurs pères qui sont en prison... Il y a un tas d’initiatives qui sont prises et qui ont été préparées pendant des mois avant le déclenchement de la grève.

La question des prisonniers est-elle fédératrice, compte tenu de la défiance envers l’Autorité palestinienne et de Mahmoud Abbas ?

La question des prisonniers a toujours été un élément fédérateur, parce qu’il y a continuellement des emprisonnements. Tous les jours, Israël arrête et emprisonne... Alors ils peuvent éventuellement libérer les petites peines, mais c’est un système permanent de prise d’otages à très grand niveau. Il y a 6 500 prisonniers qui sont actuellement des otages d’Israël. C’est un élément de pression sur toute la société palestinienne, une punition collective : c’est moi qui commande, et toi tu obéis, tu es l’occupé.

Quant à l’Autorité palestinienne, depuis les accords d’Oslo, elle a été assignée à collaborer avec l’occupation. C’est marqué dans les accords, elle doit « empêcher toute action contre Israël ». Elle emprisonne et pourchasse d’ailleurs les résistants sur demande des Israéliens. Elle peut même les exécuter, ça s’est passé dans plusieurs camps de réfugiés, dans la ville de Naplouse par exemple. Des résistants sont emprisonnés dans les prisons de l’Autorité, puis livrés à Israël. Le cas le plus connu est celui d’Ahmad Saadat, secrétaire général du FPLP emprisonné par l’Autorité à la prison de Jéricho et livré à l’armée d’occupation.

La grève de la faim des prisonniers palestiniens vient contrebalancer la politique de collaboration de l’Autorité, et elle la dénonce. Il y a une perspective politique dans ce mouvement qui est un véritable soulèvement des prisonniers politiques. Ceux-ci sont des résistants qui ont pour certains mené la lutte armée, et qui continuent dans les prisons à mener la lutte politique tant que durera l’occupation. Il est alors évident qu’Israël veut absolument et par tous les moyens casser cette résistance.

Après un mois de grève de la faim, on entre dans une période critique de dégradation rapide de l’état de santé des grévistes, et malheureusement certains peuvent en mourir. Au niveau international, que pouvons-nous faire ?

Comme je l’ai dit, les autorités israéliennes font tout pour briser la grève de la faim, y compris par le gavage de force. Comme ils n’ont pas trouvé de médecins israéliens pour le faire, ils font appel à des « médecins » mercenaires étrangers pour le faire à leur place... Mais plus la grève dure, plus le soutien s’amplifie et plus le système de collaboration issu des accords d’Oslo sera remis en cause. Il faut que nous, ici, soyons attentifs à tous les aspects de cette lutte et qu’on la soutienne. Il faut que le mouvement de solidarité à la lutte palestinienne cesse de soutenir l’Autorité et le système qu’elle a engendré. On ne peut en même temps soutenir le mouvement des prisonniers et l’Autorité : il faut faire un choix et être clair dans la perspective politique qu’on veut voir gagner. Les Palestiniens se battent pour des droits universels, que ce soit pour le droit au retour des réfugiés, le droit à un État indépendant avec Jérusalem pour capitale... La lutte ne s’arrêtera pas jusqu’à l’obtention de ces droits !

Propos recueillis par Alain Pojolat

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Mis à jour le dimanche 24 mars 2024