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La Catalogne, c’est ici et maintenant !

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Les événements actuels qui secouent l’Etat espagnol et qui ont pour épicentre la Catalogne sont en train d’ouvrir une crise majeure tout autant pour le gouvernement centraliste et post-franquiste de Rajoy que pour la bourgeoisie catalaniste qui, pour l’instant, garde la main sur le mouvement de résistance à Madrid. Mais, pour nous aussi, c’est une crise qui est porteuse d’espoirs autant qu’elle est source de préoccupation pour les gouvernements européens.

Jean-Patrick Clech
La Catalogne est, en effet, un puissant révélateur, un miroir réfléchissant et grossissant dans lequel se reflète la situation de crise européenne, mais également ses potentialités. Il n’est écrit nulle part que seules la bonapartisation croissante des régimes et la droite populiste réactionnaire doivent tirer profit de la séquence actuelle. La Catalogne le démontre.

Crise organique

La polarisation croissante de la situation catalane et la mise en place du processus référendaire, sans l’aval de Madrid, est tout d’abord l’expression la plus aboutie de la crise organique qui secoue la vieille Europe : crise des mécanismes de représentation démocratico-bourgeois et de ses courroies de transmissions habituels, à commencer par les partis qui ont assuré, depuis quarante ans, la stabilité sociale et appliqué les contre-réformes néolibérales. Ce que révèle la Catalogne, c’est la fin, sur fond de discrédit et d’usure, des anciennes représentations traditionnels (PP et PSOE) dont s’était doté la bourgeoisie et qui donnent lieu à l’émergence de courants politiques nouveaux (Podemos et Ciudadanos), sur la gauche comme sur la droite, ainsi qu’à la consolidation d’anciennes expressions politiques jusqu’à présents non hégémoniques (PDeCat et ERC, notamment). La droite espagnole s’enfonce chaque jour un peu plus dans la crise, entraînant dans son sillage le vieux PSOE. Mais avec l’accélération de cette crise, les mouvements politiques candidats à l’alternative se révèlent également pour ce qu’ils sont, des courants néo-réformistes qui n’ont pas pour objectif de renverser la table. La médiation, en dernière instance, de Podemos, qui appelle à un replâtrage du régime, sur fond de démission de Rajoy et de modification de la Constitution de 1978, de façon à organiser une nouvelle consultation « légale » en Catalogne est là pour nous rappeler ce à quoi joue la gauche néo-réformiste dans le reste de l’Europe : se postuler comme un candidat crédible et assagi au pouvoir et une digue de contention de la contestation.

Perdurance de l’exception, systématisation de la répression

La crise organique des régimes révèle également ce dont la « démocratie » est faite, en dernière instance : un système de domination prêt à réprimer, par tous les moyens possibles, toute remise en cause du statu quo systémique. C’est ce qu’exprime la bonapartisation généralisée de la plupart des gouvernements européens. Austéritaires sur le plan économique, les partis du régime sont autoritaires sur le plan politique, n’hésitant pas à renouer avec les méthodes de répression les plus dures pour faire taire la contestation, inscrivant dans la durée et la permanence les dispositions exceptionnelles de législations toujours plus liberticides. L’Etat espagnol et le gouvernement madrilène ont illustré au plus haut point cette tendance ce week-end. Au nom de la « démocratie », Rajoy a fait enlever de force des urnes dans des dizaines de bureaux de vote. Au nom de la constitution et de l’urgence, il a ordonné le déploiement de 17.000 policiers et militaires en Catalogne, plusieurs milliers restant cantonnés jusqu’au 11 octobre. Le bonapartisme, y compris lorsqu’il est l’expression de l’impuissance politique à régler autrement que par les matraques une crise, à l’instar de l’orientation de Madrid ces dernières semaines, est le corrélat de la crise organique.

La situation la plus grave pour la bourgeoisie européenne depuis des années

La crise catalane est la crise la plus complexe qui s’impose à la bourgeoisie européenne depuis la crise grecque de l’été 2015. Mais là où Alexis Tsipras et le gouvernement néo-réformiste de Syriza ont agi, en dernière instance, en courroie de transmission des directives bruxelloise, finissant par encaisser et en faisant appliquer l’austérité et les mémorandums, la crise catalane combine une dimension politique, sociale, économique mais également institutionnelle qui rendent compliquées toutes les options de sortie de crise envisagées. Ce faisant, néanmoins, et de façon combinée à la nouvelle situation qui s’ouvre avec la mobilisation citoyenniste de masse dimanche et avec la grève générale de mardi, à laquelle s’est jointe la jeunesse, ce sont les conditions de possibilité d’une remise en cause systémique qui sont posées, pour la première fois, depuis la longue séquence de grèves et de mobilisations, en Grèce, entre 2008 et 2011. Il ne fait aucun doute qu’une avancée ou un recul en Catalogne auraient des répercussions immédiates pour la situation de notre camp social à échelle européenne.

Une situation porteuse

La solidarité avec la grève passe par le fait d’insister, à rebours de ce que présentent les médias en parlant « d’unité catalane » et soulignant le rôle des syndicats patronaux catalans dans l’opération de paralysie du pays, sur la nécessité de batailler pour l’autonomie du monde du travail et de la jeunesse vis-à-vis des différentes options démocratiques bourgeoises catalanes qui corsètent, jusqu’à présent, le mouvement. C’est sur cette ligne qu’interviennent nos camarades du Courant révolutionnaire des Travailleu-se-rs de l’Etat espagnol. Mais la mobilisation de dimanche couplée à la grève générale catalane de mardi indiquent également que face aux éléments les plus catastrophiques des crises organiques qui secoue les pays européens et face au bonapartisme croissant des exécutifs en place, l’intervention du mouvement de masse peut commencer à inverser la donne.

C’est pour toutes ces raisons, et sur la base de l’unité d’action la plus large que les organisations du mouvement ouvrier et de la jeunesse, à la fois syndicales et politiques, doivent, dans l’Hexagone, appuyer de toutes leurs forces, par des rassemblements et des mobilisations, la Catalogne, contre la répression, pour la défense du droit à décider, en solidarité avec les revendications ouvrières et de la jeunesse qui ne manqueront pas d’affleurer et de se consolider si la dynamique actuelle se poursuit. La Catalogne, c’est ici, et maintenant, et c’est à nous de construire, en France, à l’approche du 10 octobre et après, une dynamique de contestation massive contre tout ce que Rajoy peut compter d’amis et de soutiens français, du Médef à l’Elysée.

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Mis à jour le dimanche 24 mars 2024