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Migrants bloqués en mer : Matteo Salvini coulé par ses anciens alliés

https://www.liberation.fr/planete/2020/02/12/migrants-bloques-en-mer-matteo-salvini-coule-par-ses-anciens-allies_1778222

L’ancien ministre de l’Intérieur italien Matteo Salvini, mercredi au Sénat, à Rome. Photo Roberto Monaldo. Lapresse. AP
Le Sénat italien a levé mercredi l’immunité parlementaire de l’ex-ministre de l’Intérieur, qui risque jusqu’à 15 ans de réclusion et une peine d’inéligibilité. Un nouveau revers après une série de claques politiques.

En août, à la veille de rompre définitivement son alliance gouvernementale avec le Mouvement Cinq Etoiles (M5S), Matteo Salvini, se sentant tout puissant au vu de sondages favorables, avait déclaré qu’il souhaitait obtenir les pleins pouvoirs de la part des Italiens. Non seulement le leader de la Ligue n’a pas réussi à obtenir la dissolution du Parlement et de nouvelles élections pour le propulser au palais Chigi, mais il va aussi devoir répondre devant la justice « d’abus de pouvoir et de séquestration de personnes ».

Mercredi soir, le Sénat italien a en effet levé son immunité parlementaire par 152 voix (contre 76), celles de la gauche et de ses anciens alliés du M5S qui l’ont définitivement lâché et qui forment aujourd’hui la nouvelle coalition gouvernementale, avec le Parti démocrate (PD) et quelques formations mineures.

« Devoir sacré »

L’ex-ministre de l’Intérieur est accusé par le tribunal de Catane d’avoir bloqué 116 migrants à bord du Gregoretti pendant plusieurs jours. Le 25 juillet, ce navire des gardes-côtes italiens avait recueilli 140 personnes qui avaient quitté les côtes libyennes quelques jours plus tôt sur deux embarcations. Pour des raisons médicales, une trentaine de migrants avaient été autorisés à débarquer. Mais Salvini, inflexible, avait refusé pendant une semaine que les autres puissent mettre pied à terre. Ce n’est qu’à la suite de l’intervention de l’Eglise italienne et d’un accord de répartition conclu avec cinq pays européens que le ministre de l’Intérieur avait finalement autorisé le débarquement.

Lors du débat au Sénat, mercredi, le patron de l’extrême droite, qui a bâti son succès politique sur la stigmatisation de l’immigration, a revendiqué « avec orgueil » son action de ministre : « Il était de mon devoir de défendre les frontières. […] La défense de la patrie est un devoir sacré. Je ne demande pas un prix, mais s’il doit y avoir un procès, que le procès soit fait. » Au moment du vote, il a demandé à ses troupes de quitter l’hémicycle - « Sortons et laissons le soin à un juge de décider si je suis un dangereux criminel » - après avoir martelé que « les adversaires [devaient] être battus dans les urnes, et pas dans les tribunaux ».

Matteo Salvini, dont le parti est en recul dans les sondages mais demeure la première formation du pays avec 28 % d’intentions de vote, entend prendre à témoin l’opinion publique - une bonne partie des Italiens a approuvé sa politique migratoire - et se présenter au procès comme une victime. Devant les sénateurs, il a vivement pris à partie les élus M5S en soutenant que la décision de bloquer les ports avait, à l’époque, été prise collégialement, c’est-à-dire par l’ensemble du cabinet du président du Conseil, Giuseppe Conte. « L’implication du gouvernement est claire », a ajouté une sénatrice de la Ligue, rappelant que dans le cas du Gregoretti, « il n’y avait eu aucune prise de position contraire ». Et de rappeler qu’en mars 2019, alors qu’il gouvernait avec la Ligue, le M5S avait voté contre la levée de l’immunité parlementaire de Matteo Salvini pour un cas similaire, à savoir l’interdiction de débarquer pour 177 migrants à bord d’un autre navire des gardes-côtes italiens, le Diciotti, en août 2018.

Rude défaite

De leur côté, les sénateurs M5S se sont évertués à démontrer que les cas du Diciotti et du Gregoretti étaient différents. Quant à Giuseppe Conte, il a affirmé être intervenu dans la gestion du Gregoretti « uniquement pour travailler sur la redistribution des migrants ». Pour le reste, a-t-il ajouté, « le cas relevait totalement de la compétence du ministre de l’Intérieur qui l’a publiquement revendiquée ».

Pour la presse italienne, il n’y a toutefois pas de doute ; la distinction entre les cas Gregoretti et Diciotti réside surtout dans le fait que les rapports politiques ont changé. Et que les Cinq Etoiles gouvernent désormais avec la gauche, et non plus avec Matteo Salvini.

L’ex-ministre risque jusqu’à quinze ans de réclusion. Mais la procédure pourrait durer plusieurs années. Reste que le patron de l’extrême droite qui, fin janvier, a subi une rude défaite politique aux élections régionales d’Emilie-Romagne, encourt également, en cas de condamnation, une peine d’inéligibilité de six à huit ans.

Salvini est par ailleurs sous le coup d’une autre inculpation : le 27 février, une commission sénatoriale devra statuer sur une autre demande de renvoi en justice, qui concerne cette fois le navire humanitaire Open Arms, bloqué mi-août pendant plusieurs jours devant l’île de Lampedusa.
Eric Jozsef correspondant à Rome

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Mis à jour le samedi 13 avril 2024