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Besancenot sur BMFTV : Loi sur le renseignement : « On instrumentalise le 11 janvier »


Photothèque Rouge / MB

Entretien.
Après avoir été présenté en conseil des ministres mi-mars, le projet de loi sur le renseignement sera discuté à l’Assemblée nationale à partir du 13 avril. Avec les autres membres de l’Observatoire des libertés et du numérique (la Quadrature du Net, la Ligue des droits de l’homme ou le Syndicat des avocats de France…), Amnesty International et Reporters sans frontières, le Syndicat de la magistrature mène campagne dans l’urgence contre ce projet néfaste. À cette occasion, nous avons rencontré sa secrétaire générale, Laurence Blisson.

Le gouvernement présente son projet de loi comme un instrument de lutte contre le terrorisme, mais il s’agit bien d’une loi sur le renseignement, d’une portée plus importante…

À cette étape, le gouvernement a réussi à présenter ainsi les choses car il pense que cela devrait susciter une adhésion généralisée à son projet. Pourtant il s’agit bien d’une loi sur le renseignement, c’est-à-dire pour que des services occultes puissent travailler, c’est-à-dire surveiller, dans l’opacité complète. Le but du projet est avant tout la protection des agents de renseignement contre le risque pénal, et pas le droit à la sûreté des citoyens…
Concernant le champ de cette loi, le texte parle de la protection des « intérêts économiques et scientifiques essentiels de la France » c’est-à-dire ceux des entreprises nationales telles que dans le secteur de l’énergie, etc. Cela signifie donc la possibilité de surveiller toutes personnes ou organismes susceptibles de nuire. Il est aussi question de « préserver les intérêts essentiels de la politique étrangère et l’exécution des engagements européens et internationaux de la France ». Entendons en particulier les « engagements » économiques de la France… Ainsi, les débats autour de TAFTA et du grand marché transatlantique pourraient rentrer dans cette catégorie. On surveillerait celles et ceux qui y sont opposés ? Enfin, la loi prévoit une nouvelle catégorie baptisée « prévention des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique ». On imagine sans nul doute que les actions de manifestations ou de soutien aux ZAD peuvent tout à fait rentrer dans le cadre de cette loi. On le voit, il s’agit bien d’une logique politique du renseignement au champ élargi.

Sur la forme, le gouvernement entend agir vite et utilise donc la procédure d’urgence pour faire adopter son projet…

La procédure d’urgence est souvent utilisée pour saisir l’opinion, suspendre sa réflexion. Pour le gouvernement, il s’agit de forcer le consensus dans l’urgence. Ainsi, nous avons été entendus par la commission des lois de l’Assemblée nationale mercredi 25 mars, alors que nous avions reçu le projet de loi quatre jours ouvrables plus tôt. Des conditions difficiles pour un texte ardu et assez technique. Pourtant, si les attentats de début janvier ont accéléré les choses, le projet est préparé de longue date par les parlementaires, et notamment par Jean-Jacques Urvoas, député PS et président de la commission des lois. On ne comprend pas bien une telle urgence, puisqu’il y a déjà des dispositifs anti-terroristes auxquels ce projet n’ajoute rien en terme d’efficacité. Ces conditions, cette vitesse, ont aussi peut-être pour objectif d’éviter les dissidences internes, comme on a pu le voir récemment autour de la loi Macron…

Avec ce nouveau projet, par quels moyens les services comptent-ils organiser la surveillance généralisée ?

Il y a d’abord les moyens classiques et ciblés, les écoutes par exemple, mais qui seront étendues à l’ensemble de l’entourage des personnes. Est aussi prévue la « sonorisation », c’est-à-dire la pose de micros invisibles à domicile, dans les véhicules…
Nouveauté, le texte parle des « dispositifs techniques de proximité ». Ce sont par exemple de fausses antennes-relais dont la fonction est de capter l’ensemble des communications (téléphoniques, connexions, etc.). Le projet permettrait aussi d’imposer aux opérateurs réseaux et aux fournisseurs d’accès et de services internet de mettre en place des systèmes de captation des données, de connexions des utilisateurs, des « boîtes noires ». Et est aussi prévue une surveillance massive du trafic internet, trafic qui sera analysé par des algorithmes classés secret-défense.
On le voit, tous ces modes opératoires sont assez proches de ceux utilisés par la NSA étatsunienne. En l’absence de contrôle, ces dispositifs sont très dangereux, et constituent une atteinte aux droits les plus fondamentaux : la protection de la vie privée, de l’intimité, etc.
Justement, des moyens de contrôle, des garde-fous, sont-ils prévus ?

Le gouvernement nous dit qu’avec ce projet, on va enfin contrôler les services de renseignement, encadrer leur activité. Ce n’est pourtant pas le cas. Sur la prise de décision, ce n’est plus le judiciaire mais le Premier ministre, ou une personne qui procède par délégation de celui-ci, qui peut décider de la surveillance de telle ou telle personne, cela sans élément objectif ou à charge…
À l’inverse, ce qu’il faudrait, c’est retirer ce pouvoir au Premier ­ministre et mettre en place des outils de contrôle à priori, pouvant donner ou refuser son aval à la décision de surveiller. Le projet de loi met en place une commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), composée de neuf personnes, parlementaires et magistrats, qui n’est que consultative, sans pouvoir de décision. Bien entendu, dans son travail d’instruction, cette commission aura accès à différentes informations et documents, y compris secret-défense, mais comment le citoyen, lui, y compris celui qui est concerné, pourra utiliser ces outils ? Cela illustre bien que le renseignement est au service de l’État, et ne respecte pas le droit à la sûreté des individus, droit fondamental reconnu par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Alors quelle mobilisation est possible pour que soit rejeté ce projet de loi ?

Dans ces conditions, avec la procédure d’urgence, cela est très compliqué. Ce que nous faisons, avec les organisations de l’Observatoire des libertés et du numérique, ainsi que Amnesty et RESF avec qui nous avons organisé une conférence de presse, c’est mener campagne pour alerter les citoyens et les parlementaires qui vont devoir se prononcer ces prochaines semaines sur la loi. Ceux-ci reconnaissent eux-mêmes leur ignorance des techniques de renseignement et de leurs conséquences. Ils sont sur le point d’adopter un texte dont ils ne mesurent pas l’impact réel. Sur un plan démocratique, c’est extrêmement grave.
Nous avons besoin d’un front syndical et politique car beaucoup d’organisations, notamment dans le cadre de l’activité syndicale, pourraient subir les conséquences de cette loi.
Propos recueillis par Manu Bichindaritz et Robert Pelletier

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Mis à jour le samedi 13 avril 2024