Aller au contenu Aller au menu Aller à la recherche

Logo du site

Accueil > Communiqués, conférences, réunions > NPA national > C’est pas le travail qu’il faut changer, c’est le système

C’est pas le travail qu’il faut changer, c’est le système

Lors du confinement de mars dernier, des débats se sont engagés sur le travail cœur de l’activité économique, des activités humaines. Avec deux axes en partie liés. D’une part, quelles activités, quelles productions sont indispensables, utiles, d’utilité secondaire, nuisibles ? D’autre part, qui décide des choix de ces activités et la façon dont elles sont mises en œuvre ?

La remise en cause de l’organisation et de la finalité du travail qui n’est au centre des activités humaines que depuis un peu plus de deux siècles, ne s’est pas présentée souvent dans l’histoire. Les débuts du machinisme, de l’industrialisation, avaient vu, notamment avec le luddisme, se développer des révoltes quand le capitalisme naissant entraînait la mécanisation massive de l’industrie et la dépossession des artisans de leur savoir-faire. Dépossession des compétences et du pouvoir de décisions sur la finalité et les méthodes de production.

De la critique larvée...

Après la longue période de généralisation du toyotisme et du fordisme, il faudra attendre Mai 68 avec des slogans comme « métro, boulot, dodo, y’en a marre » ou « ne pas perdre sa vie à la gagner » pour que les critiques reprennent de la vigueur. Des critiques qui perdureront jusqu’au milieu des années 1970.

Le patronat en tirera les leçons, dans le contexte de développement massif du chômage, généralisant la parcellisation, l’individualisation, la psychologisation des process de travail. Loin des faux-semblants, fugacement mis en avant, d’enrichissement des tâches de production. Le productivisme et l’extractivisme comme contreparties de la société de consommation et largement intégrés par le mouvement ouvrier ne sont guère remis en question. Parallèlement aux explosions de colère des OS majoritairement immigrés, des postierEs, les formes de contestation de l’organisation capitaliste du travail se replient sur les résistances invisibles que constituent la « perruque », la prise de distance vis-à-vis du contrat à durée indéterminé perçu comme un enchaînement à une entreprise et au travail, et un certain développement des SCOP. Cependant qu’une autre résistance plus globale s’organise contre le développement de l’industrie nucléaire.

D’un côté, le poids du chômage et la multiplication des licenciements et des fermetures de sites, de l’autre le bouleversement des process de travail avec la pénétration de l’informatique dans tous les rouages des activités industrielles, économiques et l’extension du taylorisme aux secteurs du commerce, du nettoyage, de la gestion, ont réduit la possibilité des remises en cause du système capitaliste de production. Une situation qui a relativisé les débats autour de la socialisation, le bien-être censés être générés par un travail décent pour laisser la place à la ­dénonciation du « travail qui tue ».

... à la critique ouverte

La mobilisation des Gilets jaunes constitue le retour d’une crise sociétale, globale. Beaucoup d’invisibles, d’isoléEs des activités économiques s’élèvent contre la misère, l’indifférence, l’oubli dont ils et elles sont les victimes. AidantEs, transporteurEs, petitEs commerçantEs, salariéEs de TPE-PME, artisanEs sont complètement dépendants d’un système, de donneurs d’ordre, de décisions gouvernementales qui leur ôtent toute capacité de décision sur leurs activités professionnelles, ne leur laissent aucune possibilité de riposte dans les cadres existants tant syndicaux que politiques. La seule réponse sera une répression féroce.

La gestion de la santé publique dont sont responsables les gouvernements passés et présents a poussé ces derniers à freiner durablement l’ensemble des activités économiques, sociales, culturelles, etc. avec les différentes phases de confinement ou de couvre-feu.

Dans ce contexte, ont réapparu débats et réflexions inhabituelles sur l’utilité sociale des activités humaines. Pour le pouvoir, exécuteur des desiderata patronaux, les choix sont simples : préserver les activités profitables et stopper tout le superfétatoire. Fabriquer, vendre des bagnoles, des avions, des armes, des machines à laver, des téléphones et des ordinateurs et fermer les salles de spectacles, les commerces hors grandes surfaces, interdire les fêtes, les contacts humains non productifs. Imposer le travail de production en usine avec des mesures de protection dérisoires, l’entassement dans les transports en commun et le développement du controversé télétravail.

Les choix sur la fabrication des armes, la publicité, les véhicules individuels les plus polluants, les grands projets inutiles, paraissent évidents. Dans d’autres secteurs comme les transports collectifs (avions, trains) seuls des débats approfondis, démocratiquement organisés peuvent permettre de faire des choix, d’engager des évolutions partant de l’existant pour aller vers le vraiment souhaitable prenant en compte le développement durable et les conditions de vie et de travail.

Travailler autrement et beaucoup moins, pour travailler tous

Au cœur des revendications, la réduction massive du temps de travail reste la seule voie à la fois pour mettre fin au chômage et rendre les conditions de travail, incluant les temps de trajet, supportables. Sur toutes ces questions, un temps de délibération important doit être dégagé, un temps permettant les échanges entre les producteurEs, les usagerEs, les habitantEs. Si le renversement du despotisme d’usine, du travail subordonné, restent des objectifs incontournables, la persistance d’une division du travail, d’activités industrielles et économiques aliénantes doivent faire l’objet de débats, de délibérations qui visent à en réduire la quantité et l’impact par des systèmes de rotation des tâches.

« L’industrie moderne révolutionne de façon constante la division du travail à l’intérieur de la société et précipite sans arrêt d’une branche dans l’autre des masses de capital et d’ouvriers. C’est pourquoi la nature de la grande industrie entraîne des changements dans le travail de l’ouvrier, rend sa fonction fluide, en fait un travailleur mobile polyvalent ». D’où une exigence de « remplacement de l’individu partiel, simple support d’une fonction sociale de détail, par un individu totalement développé pour qui diverses fonctions sociales sont autant de modes d’activité qui prennent le relais les unes les autres »1.

1.
Karl Marx, Le Capital, Livre I, XV.8, cité dans Antoine Artous, « Travail et émancipation : libérer le travail et se libérer du travail », Contretemps, janvier 2019.

SPIP 3.2.0 [23778] | Squelette BeeSpip v.

Mis à jour le dimanche 21 avril 2024