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Migrants Frontex : la porte grande ouverte aux lobbies

https://www.alternatives-economiques.fr/frontex-porte-grande-ouverte-aux-lobbies/00098362

Emanuela Barbiroglio
09/03/2021

Frontex, l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, défend les intérêts des entreprises plutôt que les droits de l’homme, dénonce un nouveau rapport de l’ONG Corporate Europe Observatory.

Le millésime 2020 n’a pas été bon pour Frontex. L’agence a fait la Une des journaux à cause d’une recrudescence de violations des droits humains et d’expulsions illégales de migrants et de réfugiés. Elle fait à présent l’objet d’une enquête de l’Office européen de lutte anti-fraude (Olaf).

« Le scandale de la relation intime entre Frontex et l’industrie des armes et de la surveillance n’a pas fait autant de bruit, pourtant il couvait à huis clos ces dernières années », écrivent Myriam Douo, Luisa Izuzquiza et Margarida Silva dans un nouveau rapport de l’ONG Corporate Europe Observatory (CEO), spécialisée dans la lutte contre la corruption au sein des institutions européennes.

Elles ont obtenu plus de 130 documents par le biais de demandes d’accès à l’information et leur examen a révélé « au moins 17 réunions avec les industriels, organisées par Frontex de 2017 à 2019 ».

Tout a donc commencé par beaucoup d’argent. Pour le budget 2021-2027, il est prévu 5,6 milliards d’euros pour Frontex, soit l’enveloppe la plus importante de toutes les agences de l’Union européenne (UE). A cela s’ajoutent 10 000 garde-frontières supplémentaires, une extension de son mandat et la possibilité d’acquérir et de louer ses propres équipements, tels que des navires, des drones et des radars.

« C’est un rêve devenu réalité non seulement pour Frontex, mais aussi pour toute l’industrie de la sécurité. Guettant l’opportunité d’un potentiel nouveau client important, cette dernière plaide depuis 2010 pour la mise en place d’une force frontalière au niveau de l’UE, dotée précisément de ces capacités. »
Frontex : un budget de plus en plus élevé
Budget de l’agence Frontex en millions d’euros
Source : Corporate Europe Observatory

Les lobbies façonnent l’approche de l’agence

Au cours des années précédentes, l’agence avait rencontré 138 organismes privés : 108 entreprises, 10 centres de recherche ou think tank, 15 universités et une seule ONG (ID4Africa). Les groupes aéronautiques et de défense européens, comme Airbus et Leonardo, ont, eux, obtenu un accès prioritaire, suivis par les entreprises technologiques (NEC, Atos, IDEMIA, Jenetric, Secunet et Vision-Box).

Même le forum consultatif sur les droits humains, établi par Frontex elle-même, n’a jamais été consulté. Ce sont les lobbyistes de l’industrie de la sécurité qui ont finalement façonné l’approche de l’agence.

Les armes, la biométrie, la surveillance maritime et aérienne, les détecteurs de battements de cœur et les systèmes d’inspection des documents ont été au centre des discussions. En outre, les mouvements migratoires ont été « présentés comme une menace, souvent liée au terrorisme et au crime ».

La transparence reste très faible. Lorsque l’ONG CEO a demandé à Frontex de s’expliquer sur son rapport au lobbying, les attachés de presse leur ont répondu que « Frontex ne rencontre pas les lobbyistes » car de toute façon elle « n’attire pas leur intérêt ». Quand la question leur a été posée une nouvelle fois, Frontex a nié avoir rencontré des lobbyistes, sauf lors des Industry days.

Les migrants sont le véritable sujet dont personne ne parle. « Le potentiel impact de ces technologies et produits sur les droits humains est absent quasiment de chacune de ces discussions ; notamment l’atteinte au droit fondamental des personnes à la vie privée, à la présomption d’innocence et à la liberté. »
Airbus et Leonardo sont les plus reçus par Frontex
Nombre d’entrevues avec Frontex entre 2017 et 2019, par catégorie et par entreprise
Source : Corporate Europe Observatory

Les droits fondamentaux bafoués ?

Les organisations de défense des droits humains n’ont pratiquement pas accès Frontex, ce qui est particulièrement inquiétant dans le contexte de la future politique de l’UE en matière de frontières et de migration. « Compte tenu de son pouvoir et de son budget croissants », Frontex risque de voir ses liens avec l’industrie se renforcer, prédit CEO. « La vigilance devrait s’intensifier également », ajoutent les auteures du rapport.

Ces révélations interviennent alors que le Parlement européen a ouvert une enquête sur le harcèlement, les fautes et les opérations illégales menées par Frontex visant à empêcher les migrants d’atteindre les côtes européennes par les eaux grecques.

Le 24 février, les députés européens ont formé un nouveau groupe de travail, le groupe « Frontières », présidé par Roberta Metsola (groupe du Parti populaire européen, Malte), dont le but est de « contrôler tous les aspects du fonctionnement de l’agence frontalière, y compris son respect des droits fondamentaux ».

Les élus mèneront personnellement une enquête au cours des quatre prochains mois afin de déterminer si les violations ont eu lieu et si l’agence était impliquée ;

Cet article est initialement paru sur le site de Voxeurop, traduit par Romane Baleynaud, et publié en partenariat avec EDJNet, la plate-forme européenne de datajournalisme.

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Mis à jour le dimanche 21 avril 2024