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Afghanistan : les États-Unis passent la main aux talibans

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Tireurs de la Légion étrangère en 2005. Davric / Wikicommons
Michelle Verdier
Revue L’Anticapitaliste n°128 (septembre 2021)

Le 30 août, le dernier soldat américain quittait le sol d’Afghanistan, symbole de la fin d’une guerre de vingt ans menée par les USA, avec l’appui d’alliés de l’OTAN.

Au total, quelque 775 000 soldats américains se sont relayés dans ce pays de hautes montagnes (100 000 en même temps, au plus fort sous Obama). Quelque 50 000 soldats français entre 2001 et 2012 (4 000 en même temps, au plus fort). Beaucoup y ont laissé leur peau : 2 500 Américains, 1 500 de l’Alliance atlantique. Auxquels il faut ajouter plus de 3 000 victimes dans cette guerre hautement « privatisée » avec, au plus fort, 100 000 mercenaires supplétifs, civils ou militaires sous contrat.

Du côté afghan, le bilan est pire : selon l’ONU, 70 000 soldats de l’armée régulière et probablement 100 000 civils ont été tuéEs – ces derniers étant quasiment indénombrables. Sans parler des blesséEs et traumatiséEs, femmes, hommes et enfants, par centaines de milliers ; des réfugiés par millions… Une guerre qui laisse un pays dévasté, en situation de « catastrophe humanitaire ». Le terrorisme des grandes puissances n’a pas d’égal.

Croisade contre le terrorisme ?

À la suite des attentats du 11 septembre 2001, les États-Unis avaient pris la tête d’une croisade contre le terrorisme mondial – disaient-ils, avec dans leur sillage le gros des États de la planète, et l’aval de l’ONU (Russie et Chine comprises). La guerre était engagée contre toute une population, sous prétexte que les dirigeants afghans ne voulaient pas livrer le cerveau présumé des attentats, Ben Laden. En 2011, il a été débusqué et tué, au Pakistan, et la guerre a continué encore dix ans.

Pour une victoire sur le terrorisme ? Les talibans (« étudiants en religion ») sont ces fondamentalistes religieux qui ont exercé une dictature féroce entre 1996 et 2001 (tout particulièrement contre les femmes, au nom de la charia). Les liens entre les talibans, Al Qaida et leurs rivaux d’aujourd’hui de l’État islamique (Daesh), sont obscurs mais existants. La guerre américaine en Afghanistan a nourri le terrorisme, comme les USA l’avait déjà nourri en finançant et armant des chefs de guerre et coteries islamistes qui guerroyaient contre l’occupation soviétique de 1979 à 1989, dont Ben Laden lui-même. Cette guerre a été étendue à partir de 2003 en Irak, guerre dont Daesh est né.

Et n’oublions pas la politique de « containment » des révoltes arabes de 2011, où les puissances impérialistes ont soutenu la répression par leurs alliés saoudiens ou égyptiens, engendré en Lybie le chaos par leur intervention militaire appuyée sur des milices islamistes. En Syrie pour enrayer la révolte, elles ont commencé par le financement de groupes islamistes opposés à Assad…. avant de se rallier à Assad lui-même.

Ou passation de pouvoir à une dictature islamiste ?

Le départ des derniers milliers de soldats américains et leurs « aides », ces Afghans qui avaient lié leur sort aux USA, s’est fait dans le chaos et la précipitation. Joe Biden a eu l’indécence de se féliciter de la prouesse du pont aérien qui a assuré le départ de 123 000 personnes. Ce n’est pas à la rescousse de populations pauvres de la planète, en cas de catastrophes naturelles par exemple, qu’on déploie de tels moyens. Ces « réfugiés » sont emmenés dans des bases américaines d’Allemagne, d’Italie, ou autres camps provisoires en Ouganda ou ailleurs, dans des pays pauvres que l’on paiera pour les garder avant d’en faire le tri.

Apparente précipitation, mais le calendrier même de ce départ de l’armée américaine avait été établi par les USA lors de négociations organisées avec les talibans au Qatar, à la fin février 2020, en l’absence de représentants du gouvernement afghan – déjà limogé de fait. Qui plus est, les USA ont tenu à ce que cette remise du pouvoir aux talibans soit, comme l’avait été le début de la guerre, entérinée à l’ONU, par une résolution unanime.

Les dirigeants américains abandonnent aux talibans le pouvoir, c’est-à-dire une soldatesque détenant encore tout un armement, une police, des prisons pouvant accueillir une nouvelle population d’opposants. Bref à un pouvoir de répression contre une population sinistrée et qui pourrait se révolter.

Sur le plan économique, à la dévastation de vingt ans de guerre s’ajoutent la sécheresse et la famine dans le sud du pays. À ce jour, les talibans n’auraient pas la disposition des fonds de la banque centrale afghane, dont le gros serait détenu dans des banques américaines. À eux de montrer patte blanche pour qu’on les leur débloque. En attendant, les caisses de l’État étant vides, c’est la population encore qui en souffrira. Macron, le plus indécent de la clique impérialiste

Au lendemain de la prise de Kaboul par les talibans, le 15 août dernier, Macron s’est empressé de mettre en garde contre l’afflux possible en France de réfugiés, contre des « flux migratoires irréguliers importants » ! Et la droite et l’extrême droite françaises de surenchérir – toute l’Europe politique d’ailleurs. À des fins électorales mais aussi par xénophobie et racisme. Sous prétexte de menace à l’ordre public, une manifestation de soutien au peuple afghan qui devait se tenir le dimanche 29 août à Paris, à l’initiative de plusieurs associations afghanes a été interdite par la Préfecture de police.

Notre solidarité va aux travailleurs et peuples d’Afghanistan, qui après avoir connu dix ans d’occupation et de guerre soviétiques, des années de guerre civile, cinq ans de pouvoir taliban, vingt ans de guerre américaine, ont pour ennemi à combattre une dictature obscurantiste. Portée à nouveau sur les fonts baptismaux par l’impérialisme.

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Mis à jour le dimanche 24 mars 2024