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Morts en Méditerranée : le crime de l’Union européenne

Crédit Photo : Reuters/Darrin Zammit Lupi

800 morts en un seul naufrage le 19 avril, plus de 2000 migrants disparus en mer depuis le début 2015, dans une comptabilité macabre qui explose toutes les « statistiques »… La catastrophe est telle qu’un conseil européen a dû être organisé d’urgence le 23 avril. Les décisions prises par les chefs d’Etat et de gouvernement ne changeront pourtant rien aux causes profondes de ces drames. Elles risquent même de les aggraver.

Le pillage et l’exploitation impérialistes qui perpétuent la misère au Sud n’étaient évidemment pas au menu des conversations. Ni les interventions militaires occidentales à répétition qui fomentent et accentuent le chaos – comme celle de la France et du Royaume-Uni en 2011 en Libye, le pays en lambeaux d’où partent ces boat-people de l’Europe. En revanche, la politique de l’Europe-forteresse, sans laquelle un tel phénomène n’existerait pas, a été réaffirmée et renforcée.

L’accueil des réfugiés a été le grand absent des conclusions. Pour toute l’UE a été évoqué le chiffre dérisoire de 5000 personnes. Hollande a affirmé que « la France prendra sa part » en accueillant « entre 500 et 700 Syriens ». Cameron a promis de prêter quelques navires et hélicoptères, mais à la condition « que les gens que nous recueillerons seront amenés dans le pays le plus proche, c’est-à-dire, sans doute l’Italie, et qu’ils ne puissent pas demander l’asile en Grande-Bretagne. »

Verser quelques larmes de crocodile « humanitaires » était un exercice obligé, mais le seul véritable objectif est de parfaire le bouclage des frontières. Les dirigeants européens se proposent ainsi de combattre les filières d’émigration, y compris en allant détruire près des côtes libyennes les bateaux des « trafiquants » (qu’ils sont assurément) et « terroristes » (selon Hollande qui retrouvait à l’occasion ses accents martiaux) ; pour cela, un mandat devrait être demandé rapidement au conseil de sécurité de l’ONU. L’autre axe est de « prévenir les flux migratoires » en priant les pays de transit de contrôler « les routes migratoires terrestres et maritimes » et d’organiser des « camps de réception » ; l’idée a même été avancée que les Européens installent eux-mêmes de tels camps (en fait de concentration), mais elle serait très délicate à mettre en œuvre et nécessiterait là aussi une décision de l’ONU. Dernier volet, il s’agit de s’assurer que la grande masse des migrants, qu’ils soient ou non recueillis en mer, se trouvent effectivement renvoyés dans leur pays d’origine…

C’est au service de ce programme que Juncker, président de la Commission européenne, a annoncé fièrement : « nous avons triplé [le financement de] Triton, alors que la proposition était de le doubler. » Dotée précédemment d’un budget mensuel de 2,8 millions d’euros, l’opération Triton, menée sous l’égide de l’agence européenne Frontex (en charge du contrôle des frontières extérieures de l’UE), a succédé en octobre 2014 à « Mare Nostrum », déclenchée un an plus tôt par l’Italie, après un naufrage qui avait fait 366 victimes au large de Lampedusa.

Pendant un an, la mobilisation de la marine italienne aurait permis de secourir plus de 100 000 migrants. L’UE a non seulement refusé d’en partager le coût (9 millions par mois), mais fait pression pour qu’il y soit mis fin, au motif que cela facilitait le passage des clandestins. Selon Bernard Cazeneuve en septembre dernier, la substitution à Mare Nostrum d’une opération « Frontex + » se justifiait par le fait que si la première « a permis le sauvetage de nombreux migrants en mer », elle « a aussi eu pour conséquence de créer des points de fixation des migrants dans le nord de la France »… Mare Nostrum allait en effet rechercher les réfugiés au large, avant que leurs embarcations ne coulent, alors que Triton s’est limitée à une surveillance des côtes européenne. Les associations de défense des migrants dénoncent cette décision de l’UE comme directement responsable de l’augmentation dramatique du nombre des morts.

Selon l’Organisation maritime internationale, ce sont 500 000 migrants qui pourraient tenter la traversée en 2015, quels qu’en soient les risques. C’est dire à quel point une mobilisation contre la politique criminelle de l’UE – et de notre gouvernement – est urgente et indissociable de tout combat en défense des travailleurs, des pauvres, de l’humanité.

Michel Bastien

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Mis à jour le dimanche 24 mars 2024