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La résistible ascension des extrêmes droite en Europe

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Giorgia Meloni à Sanremo pour faire campagne pour les élections européennes (Italie) et municipales de 2014. © Jose Antonio, CC BY 4.0
Commission Nationale antifasciste du NPA

En France, les extrêmes droites constitueront sans doute la première force politique lors des élections européennes de juin 2024 et sans doute la deuxième (ou la troisième) force à l’échelle de l’Union européenne.

Un nombre relativement important de partis d’extrême droite et de droite extrême figurent désormais dans le camp des vainqueurs aux élections nationales et, même, participent aux exécutifs nationaux.

Tour d’horizon européen

En Italie, les extrêmes droites, avec le parti Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni et la Lega1, dirigent ensemble le gouvernement depuis les législatives du 25 septembre 2022, en plus du parti de droite affairiste Forza Italia de feu Silvio Berlusconi.

En Suède, deux semaines auparavant, le parti des Démocrates de Suède2 (SD) figurait parmi les vainqueurs des législatives suédoises du 11 septembre 2022. Avec 20,5 %, les SD sont devenus la deuxième force politique du pays en termes d’électorat, derrière le Parti social-démocrate (30,3 %) désormais dans l’opposition. À la suite, le parti des Modérés (droite classique, 19,1 %), réussit à former une coalition avec les chrétiens-démocrates, les libéraux et les SD. Si ce dernier parti n’occupe aucun ministère, la majorité parlementaire du gouvernement dépend de lui, et il siège à la «  coordination  » des partis de la coalition. L’accord de gouvernement porte largement sa signature en matière d’immigration et de sécurité.

En Finlande, suite aux législatives du 2 avril 2023, le parti des Vrais Finlandais est devenu la deuxième force politique avec 20,1 % des voix, derrière la droite classique, talonnant le «  Parti de la coalition nationale  » (20,8 %). Ici, l’extrême droite est entrée au gouvernement du conservateur Petteri Orpo en occupant des ministères, aux côtés du principal parti du droite ainsi que des chrétiens-démocrates et du parti de la minorité suédoise. Les Vrais Finlandais occupent notamment les ministères de l’Économie, des Finances, l’Intérieur, la Justice ainsi que le ministère des Affaires sociales. Chose remarquable : depuis l’été 2023, la Finlande est traversée par une succession de mouvements de grève ainsi que de mouvements de protestation universitaires contre des «  réformes  » antisociales mises en œuvre par ce gouvernement, dont, en dernier lieu, une grève qualifiée de politique (alors qu’un projet de Loi doit justement interdire les grèves dites politiques…) de quinze jours à compter du 11 mars 2024, dirigée contre une sorte de super-«  Loi Travail  » à la finlandaise.

Dans d’autres pays européens, l’extrême droite est en position de force. Aux Pays-Bas, Geert Wilders, fondateur en 2008 (et juridiquement le seul membre jusqu’à aujourd’hui) du Parti pour la liberté (PVV) est sorti dirigeant de la première force électorale des dernières législatives du 22 novembre 2023, avec 23,49 % des voix, après avoir obtenu 10,79 % en 2021. Or, s’il n’a pas réussi, à la suite, à former un gouvernement dont il serait le Premier ministre par manque de soutien du parlement, les Pays-Bas semblent néanmoins se diriger vers un gouvernement de coalition dont le PVV serait la première force. Une future coalition devrait réunir, outre le PVV, un parti paysan qui proteste contre les normes environnementales (le BBB), un parti de droite libérale (le VVD), ainsi qu’une scission du parti chrétien-démocrate.

En Autriche, le fragile gouvernement fédéral réunit depuis janvier 2020 la droite conservatrice (ÖVP) et les Verts. Mais le parti d’extrême droite FPÖ3 devrait être le vainqueur des législatives à venir à l’automne 2024, pour lesquels environ 30% des voix lui sont pronostiqués. En attendant, le FPÖ participe actuellement au gouvernement dans trois régions sur huit.

En Europe de l’Est, si le parti national-conservateur PIS a perdu les législatives en Pologne du 15 octobre 2023, le parti hongrois Fidesz du Premier ministre Viktor Orban, au pouvoir depuis 2010, gouverne toujours à Budapest. Les deux partis couvrent une gamme qui, en France, engloberait à la fois la droite et une partie de l’extrême droite. En Hongrie, il existe à ses côtés un parti d’extrême droite non intégré au gouvernement, le Jobbik («  Le meilleur  ») ; ce parti a tenté de se recentrer sur la période la plus récente, mais sous peine de la scission d’un courant plus dur et plus extrémiste qui a donné naissance, en 2018, au mouvement Mi Hazank («  Chez nous  »). Les sondages pronostiquent actuellement une chute de Jobbik à moins de 3 % des voix, contre 6,34 % en 2019 et surtout 14,67 % en 2014 ; mais la nouvelle formation Mi Hazank percerait avec plus de 8 %.

Deux groupes au parlement européen

Les extrêmes droites siègent principalement dans deux groupes séparés. D’un côté le groupe Identité et démocratie (ID), créé en 2019, qui regroupe entre autres le RN français, la Ligue italienne, le PVV néerlandais, le FPÖ autrichien et le parti allemand AfD4. De l’autre côté, le groupe des Conservateurs et réformateurs européens (ECR), dont la colonne vertébrale était initialement constituée par les Conservateurs britanniques jusqu’à leur départ du Parlement européen suite au Brexit, regroupe notamment les Fratelli d’Italia, les Démocrates de Suède, les Vrais Finlandais ou encore le parti espagnol VOX. Le PIS polonais en constitue désormais la première force.

Cependant, Fidesz, a quitté en mars 2021 le groupe du parti populaire européen (PPE qui regroupe les droites bourgeoises classiques) et négocie son rattachement à d’autres groupes, dont l’ECR et l’ID. Le parti hongrois pourrait jouer un rôle de pivot, permettant un rapprochement entre ces deux derniers. Bien que des clivages notamment en matière économique soient perceptibles entre l’ID et l’ECR, la majorité des membres des ECR s’affichent peu ou prou libéraux en matière économique, même si une partie du groupe ID met en avant la démagogie sociale populiste à l’instar du RN français… en tout cas : tant que ces partis siègent dans l’opposition dans leurs pays respectifs.

Enfin, le parti français Reconquête, qui présente également une liste aux européennes du 9 juin 24 mais qui n’est pas assuré de franchir la barre des 5 % des voix requises pour entrer au parlement, siège actuellement au groupe des ECR avec son seul eurodéputé sortant, Nicolas Bay, élu en 2019 sur la liste du RN. Or, outre l’appartenance à des regroupements parlementaires différents, de profonds clivages – apparents ou réels – traversent la «  famille  » des extrêmes droites.

Clivage sur la Russie

La majorité de ces partis dans l’Union européenne, surtout dans la partie occidentale ainsi qu’en Allemagne, étaient historiquement très favorables, voire explicitement liés au régime russe des années d’après 2000. Mais ce positionnement est devenu nettement plus difficile à assumer publiquement depuis début de la guerre contre l’Ukraine.

Parmi les plus critiques, officiellement, de l’invasion russe en Ukraine se trouve actuellement le RN français. La raison en est simple : le principal parti de l’extrême droite hexagonal pense s’être tellement rapproché de l’arrivée au pouvoir à l’échelle nationale qu’il ne pourra pas se permettre un positionnement qui le mettrait en porte-à-faux avec l’opinion majoritaire. Comme lors de la campagne électorale présidentielle de 2022, où, après l’annonce du début de la guerre en Ukraine, le RN se trouve contraint de mettre au pilon 1,2 million d’exemplaires d’un huit-pages, parce que ce tract était illustré avec une photo montrant Marine Le Pen avec Vladimir Poutine pour montrer ses qualités de «  femme d’État  ». Dans les jours suivants, Marine Le Pen affirmera que l’Ukraine était l’illustration positive d’une «  lutte de libération nationale  », pour prétendre que son parti se situait dans la même logique.

D’autres partis, structurellement alliés au RN français, ne se positionnent pas de la même manière. C’est le cas du FPÖ, qui était lui aussi formellement lié, depuis 2016, par un accord officiel de coopération avec le parti de Poutine Russie Unie. Certains de ses représentants prétendent aujourd’hui que l’accord n’aurait été «  que formel  ». Cependant, la ministre des Affaires étrangères nommée fin 2017 sur proposition du FPÖ (sans qu’elle possède la carte du parti), Karin Kneissl, avait invité Vladimir Poutine à son mariage en août 2018. En septembre 2023, Karin Kneissl annonça son déménagement à Saint-Pétersbourg. Par ailleurs, depuis l’arrestation, le 29 mars 2024, d’un ex-agent de la Direction nationale de la sûreté et du renseignement autrichien pour espionnage au profit de la Russie, l’appareil d’État autrichien est secoué par les révélations sur des activités pro-russes…

Le RN français n’a à aucun moment mis en cause son alliance avec le FPÖ, qui constitue un pilier de sa politique d’alliances européennes. Pire pour le positionnement officiel du RN actuel, leur groupe au parlement (ID), a élargi ses rangs à la fin février 2024 au parti bulgare Vazradjane («  Renaissance  ») ainsi qu’au Parti national slovaque (SNS). Or, les deux sont de proches alliés du régime de Vladimir Poutine au sein de l’Union européenne. En ce qui concerne le parti bulgare, trois de ses députés participèrent, le 16 février 2024 à Moscou, à une réunion de Russie Unie. Quant au SNS, il participe à Bratislava à une coalition gouvernementale qui mène, avec Fidesz en Hongrie, la politique extérieure la plus pro-russe parmi tous les pays membres de l’Union européenne.

Pseudo-clivage sur la «  remigration  »

Un autre clivage, largement factice, est apparu au mois de février 2024. Depuis la mi-janvier 2024, des manifestations massives, culminant à plus d’un million de participantEs dans différentes villes allemandes, s’étaient déclenchées contre le parti allemand AfD. Le motif résidait dans la publication, le 10 janvier 2024, d’un reportage tourné en caméra cachée sur une réunion tenue à huis clos des cadres du parti AfD, des membres de la mouvance identitaire, des représentants de l’aile la plus droitière de la CDU (Union chrétienne-démocrate, droite classiques) et d’une fraction du patronat. Lors de celle-ci, l’activiste autrichien identitaire Martin Sellner – interdit, depuis, de séjour sur le territoire allemand – s’était répandu sur le thème de la «  remigration  »5. Sellner avait notamment fantasmé sur l’expulsion de deux millions de personnes, dont des personnes ayant la nationalité allemande mais «  mal intégrées  » ou «  complices de l’immigration de masse  », dans un État-modèle (non identifié) en Afrique du Nord qui se destinerait à les accueillir.

Marine Le Pen avait alors pris ses distances avec le parti allemand, s’interrogeant publiquement sur l’opportunité de continuer de travailler avec lui au Parlement européen. La co-présidente du parti AfD, Alice Weidel, lui écrivit une lettre publique, prétextant des erreurs de traduction, et prétendant que son parti ne demandait que la reconduite à la frontière des délinquants étrangers condamnés, «  en application de la loi  ».

Toujours est-il que ce clivage est largement imaginaire, la prise de position publique de Marine Le Pen n’étant due qu’à la volonté de faire bonne figure vis-à-vis de l’opinion publique, souhaitant éviter toute apparence «  extrémiste  ». Or, l’un des piliers du groupe ID au Parlement européen, le FPÖ, et notamment son président Herbert Kickl – qui était ministre de l’Intérieur autrichien de 2017 à 2019 –, utilise depuis des années le terme de «  remigration  » de manière éhontée, sans que Marine Le Pen n’ait trouvé à y redire, jusqu’ici.

Une autre Europe, débarrassée du fascisme

Les vrais clivages ne se situent ainsi pas à l’intérieur de l’extrême droite, dont les prises de position peuvent être largement élastiques, mais entre l’extrême droite et ses adversaires. Les dirigeants européens ont besoin de relancer et réorienter leur économie nationale (coupes budgétaires ; augmentation de l’exploitation ; chômage «  structurel  »), dans un contexte de course à la guerre. Devant le mécontentement des populations, la démagogie réactionnaire patriarcale et xénophobe, alliée à la répression des mobilisations laissent un espace important aux extrêmes droites, qui apparaissent bien souvent comme le seul véritable parti d’opposition. En ce sens, la politique, nécessairement libérale, de l’Union européenne est un marchepied pour le fascisme européen.

À nous de mener un combat sur les positions de fond, refusant leurs idées qui restent inacceptables sous toutes les formes. Nous revendiquons l’ouverture des frontières, ainsi qu’une redistribution des richesses à l’échelle européenne. De manière immédiate, nous sommes pour un salaire minimum européen et des droits sociaux égaux pour tou·tes. Cela suppose de sortir des carcans imposés par l’Union et nécessitera de grandes mobilisations victorieuses sur tout le continent.

1.
La Ligue est le nouveau nom, depuis 2018, de l’ancienne «  Ligue du Nord  ».
2.
Fondé en 1988, Démocrates de Suède était à l’époque un parti ouvertement néonazi, qui s’est «  normalisé  ».
3.
Le FPÖ, le Parti de la Liberté d’Autriche, parti créé en 1955 des décombres du nazisme par la transformation de la «  Ligue des indépendants  » elle-même créée en 1949. La vie politique autrichienne était contrôlée par les Alliés de la Seconde guerre mondiale jusqu’en 1955, année de conclusion du Traité de neutralité, qui restitua sa pleine souveraineté à la République autrichienne. Jusqu’en 1955, la reconstitution d’un parti trop proche du nazisme historique s’avérait ainsi impossible. Dès l’obstacle levé, le FPÖ se mit en place, son premier président Anton Reinthaller (décédé en 1958) ayant été secrétaire d’Etat à l’Agriculture sous Adolf Hitler.
4.
Fondé en 2013, l’AfD «  Alternative pour l’Allemagne  » est un parti d’extrême droite présent au Bundetag depuis sa création. Il devrait récolter autour de 18% aux prochaines élections européennes.
5.
La remigration est un concept inventé par Renaud Camus, un écrivain français d’extrême droite.

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Mis à jour le samedi 11 mai 2024